Maigre

 

Le Carême était très rigoureux pendant les premiers siècles de la Chrétienté.

Selon les arrêts du Conscile de Tolède en 653, ceux qui mangeaint de la viande durant le Carême en étaient privés impitoyablement tout le reste de l'année.
Charlemagne n'hésitait pas à condamner à mort les réfractaires ; quant à Charles V, machiavélique avant la lettre, il se contentait de leur faire arracher les dents !

Les jours maigres étaient d'ailleurs innombrables, manière comme une autre de faire accepter au peuple les restrictions alimentaires de ces temps de rudes épreuves...

On jeûnait le vendredi, mais le mercredi aussi, et en plus du Carême, pendant l'Avent parfois, les Quatre-Temps, les Vigiles des fêtes...

Le "Ménagier de Paris" est partagé entre menus avec char (viande) et sans char, aussi nombreux, et aussi appétissants les uns que les autres. Car on se rattrapait par une fantaisie débridée dans les plats de poisson. Les jours "sans" ce ne sont qu'anguilles, perches, tanches, rougets, saumons, harengs et pour le pauvre le fameux craspois (gras de baleine).

Rabelais suggère pour les jours d'abstinence tout au choix d'entrées : "Caviat, boutargues, beurre frays, purée de poys, espinars, arans blancs bouffis, arans sors, sardines, anchoys, tonnine, caules emblotifs, saulgrenées de fehves, sallades de cent diversités : de cresson, de obelon, de responses, d'oreilles de Judas (champignons), d'asperges, de chèvre feuel, saulmons sallés, anguillettes sallées, huytres en escalles..."

Le 30 mars 1571, voici également un exemple de menu servi chez l'archevêque de Paris :

Quatre saumons ;
Dix turbots ;
Douze homards ;
Cinquante livres de baleine ;
Deux cents tripes de morue ;
Un panier de moules ;
Neuf aloses fraîches ;
Dix-huit truites ;
Dix-sept brochets ;
Soixante-deux carpes ;
Dix-huit lamproies ;
Deux cents écrevisses ;
Deux cents harengs ;
Vingt-quatre saumons salés ;
Dix-huit barbues ;
Trois paniers d'éperlans ;
Six cents grenouilles.


Il est fort possible que l'archevêque avait convié quelques chanoines à partager son repas ce jour là.

Le jour de la Mi-Carême, par contre, le jeûne était levé, ce qui permettait mille réjouissances.
On désignait un Prince Carême, ou Carême Prenant, qui distribuait des jouets aux enfants et des bonbons aux femmes (dragées).

Après une longue éclipse pendant la Révolution, le Carême revint sous l'Empire.
On entendit parler de potages et d'entrées maigres chaque année, on saisit l'abstinence du Carême comme une occasion de fêtes gourmandes pleines de charme et d'éclat.

 

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